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Henri Martin

Toulouse, 1860 – Labastide-du-Vert, 1943

 

Autoportrait en Virgile, 1884

 

Huile sur toile

46,5 × 38,5 cm

Signé et daté en haut à gauche : Henri Martin / 84

 

Fils d’un ébéniste toulousain, Henri Martin est admis à l’âge de dix-sept ans à l’École des beaux-arts de la ville. Deux ans plus tard, il entre dans l’atelier de son compatriote Jean-Paul Laurens à Paris. Après plusieurs succès au Salon, Martin est lauréat, en 1885, d’une bourse de voyage qui lui permet de partir pour l’Italie. La découverte, grâce à son ami Edmond Aman-Jean, compagnon de voyage, de la technique divisionniste tout comme la révélation de la peinture du Quattrocento bouleversent le jeune artiste. De retour à Paris, il tente alors de concilier dans sa peinture la construction solide héritée de son apprentissage académique et la subtilité lumineuse de la technique néo-impressionniste : c’est la Fête de la Fédération (Toulouse, musée des Augustins), qui, présentée au Salon de 1889, va lui attirer à la fois les foudres des artistes d’avant-garde et des tenants de la tradition. Ce « pompier qui a pris feu », selon le mot cruel de Degas[1], persévère cependant dans cette voie qui lui permet d’obtenir de nombreuses commandes : Hôtel de Ville de Paris, Capitole de Toulouse, villa d’Edmond Rostand à Cambo-les-Bains... Lorsqu’il découvre le Lot en 1900, le paysage prend le pas sur les figures : dans les environs de Cahors, où Martin a acheté une maison, le peintre, à l’instar de Monet, peint des séries en plein air, peupliers ou église de Labastide-du-Vert.

 

Les années 1883-1885 constituent une période charnière dans l’évolution de la carrière d’Henri Martin. Le jeune artiste commence à se faire apprécier avec des œuvres inspirées par l’art de son maître Jean-Paul Laurens tout en montrant déjà le désir de se libérer de cette influence. En témoigne l’Autoportrait en saint Jean-Baptiste, exécuté en 1883 (Carcassonne, musée des Beaux-Arts), et notre Autoportrait en Virgile, inédit, de mêmes dimensions, réalisé un an plus tard. Ici, Martin se présente sous les traits d’un jeune homme de vingt-quatre ans au visage émacié et envahi par la barbe, le torse à peine couvert par un manteau fleuri et la tête couronnée de laurier. Ces derniers accessoires sont repris de la figure du Virgile dans son Paolo Malatesta et Francesca da Rimini aux Enfers, grande toile présentée avec succès au Salon de 1883 (Carcassonne, musée des Beaux-Arts).

 

Le traitement de notre Autoportrait est original par bien des aspects. L’artiste, présenté en buste de manière rapprochée, est éclairé par une forte lumière tombant du haut, soulignant la couronne de laurier, le front, le nez et le torse, tout en laissant une grande partie du visage dans l’ombre : elle confère au personnage l’allure d’une apparition. La touche est ici libre, large et perceptible, bien différente de l’art d’un Jean-Paul Laurens, mais tout à fait cohérente avec le travail de l’artiste dans une toile datée de la même année, Le Châtiment de Caïn (Montauban, musée Ingres). Plus qu’une représentation charnelle de soi, Henri Martin propose ici une intense vision allégorique de son image d’où émane un sentiment de mystère, cher à ce passionné de Wagner et lecteur assidu de Poe et de Verlaine.

 

Nous remercions Monsieur Cyrille Martin et Madame Marie-Anne Destrebecq-Martin, spécialistes de l’artiste, qui nous ont aimablement confirmé l’attribution de cette peinture et nous ont fourni des éléments précieux pour la rédaction de cette notice. Ce tableau figurera au catalogue raisonné des œuvres de Henri Martin en cours de préparation.

 


[1] P. Lafond, Degas, Paris, 1918, p. 145.


 



 
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