François-Edouard Picot
Paris 1786 – 1868
Cybèle protège contre le Vésuve les villes de Stabies, Herculanum, Pompéi et Résina, 1829
Huile sur toile marouflée sur panneau
44 x 51,5 cm
Au verso, marque au feu Mée.R.[1]
Œuvre en rapport
Cybèle protège contre le Vésuve les villes de Stabiae, Herculanum, Pompeï et Résina, 1832, plafond du musée du Louvre (inv. 7211)
Fils du brodeur en titre de Napoléon 1er, François-Joseph Picot reçoit sa première formation du peintre Léonor Mérimée avant d’entrer dans l’atelier de François-André Vincent. En 1813, un second grand prix lui permet de partir pour l’Italie. Peint à Rome en 1817, son Amour et Psyché (Paris, musée du Louvre) est tout pénétré d’esprit néoclassique : lorsqu’il est exposé au Salon de 1819, il obtint le plus vif succès et marque le début d’une carrière brillante. Dès lors, Picot expose régulièrement au Salon, jusqu’en 1839, des peintures d’histoire, des scènes de genre et des portraits. Chargé par Louis-Philippe de réaliser plusieurs œuvres pour les Galeries historiques de Versailles (dont La Prise de Calais pour la Galerie des batailles), Picot reçoit également la commande du plafond de la salle de 1830. Une grande partie de son œuvre est destinée aux édifices religieux, en particulier Notre-Dame-de-Lorette (1836), Saint-Denis-du-Saint-Sacrement (1844) et Saint-Vincent-de-Paul où il collabore avec Hippolyte Flandrin. Membre de l’Institut à partir de 1836, Picot a également eu une grande influence comme professeur. Son atelier, qu’il a dirigé pendant près de cinquante ans, voit passer des centaines d’élèves parmi lesquels les frères Benouville, Cabanel, Pils, Bouguereau, Guillaumet et Gustave Moreau.
Inauguré au Louvre à la fin de 1827, le musée Charles X abrite, au premier étage de l’aile sud de la Cour Carrée, les nouvelles collections d’antiquités égyptiennes, italo-grecques et d’objets de la Renaissance italienne. Conçu par Pierre-François-Léonard Fontaine, le décor est complété par des plafonds dont les sujets sont en rapport direct avec les œuvres exposées dans les salles. La réalisation en est confiée à Ingres, Gros, Vernet, Abel de Pujol, Fragonard, Meynier, Heim et Picot. Ce dernier peint, en 1827, le plafond de la quatrième salle du musée Charles X, L’Etude et le Génie dévoilent l’antique Egypte à la Grèce. L’année suivante, Picot reçoit la commande d’un second plafond, pour la sixième salle, dont le sujet est Cybèle protège contre le Vésuve les villes de Stabies, Herculanum, Pompéi et Retina, que ses feux semblent condamner à une entière destruction, en remplacement d’un plafond d’Evariste Fragonard, François 1er reçoit les tableaux et les statues rapportées d’Italie par le Primatice, lui-même déplacé au sein du musée. Terminé au mois d’août 1831, le plafond de Picot est complété en 1832 par des voussures où les vues des quatre cités de Campanie se détachent sur un décor pompéien.
Notre tableau est l’esquisse présentée pour approbation au comte Auguste de Forbin, directeur des Musées royaux et commanditaire du décor du musée Charles X, avant la réalisation du plafond proprement dit. Elle peut donc être datée précisément entre la date de la commande, le 12 novembre 1828, et la date du règlement du premier acompte, le 21 mai 1829[2]. Après la validation de notre esquisse, Picot réalisera d’autres études, dessinées et peintes, de certains détails, avant de réaliser le grand plafond[3]. Elle présente également des points communs – mêmes dimensions, même technique de toile marouflé sur panneau - avec l’esquisse pour le premier plafond commandé à Picot pour le musée Charles X, L’Etude et le Génie dévoilent l’antique Egypte à la Grèce, aujourd’hui conservée au musée du Louvre (fig. 2)[4]. Peu de différences entre l’esquisse et l’œuvre définitive : Picot ne modifiera son œuvre qu’à la marge, ajoutant quelques plantes au premier plan, quelques détails dans les coiffures ou changeant légèrement certaines positions des jambes et quelques drapés, sans modifier la disposition générale de la composition.
Composition étrange justement, mêlant allégorie, narration et mythologie, suivant en cela le programme complexe déterminé pour orner cette pièce : la déesse Cybèle, personnification de la nature sauvage, cherche à protéger trois cités campaniennes, Stabies, Herculanum et Pompéi des fureurs de l’éruption du Vésuve, personnifié par un homme nu en fureur, placé en haut à droite. Dans l’ombre à droite, la petite ville de Résina, le port d’Herculanum, semble déjà englouti par la lave. L’ensemble constitue évidemment une allégorie de la journée du 24 octobre 79 qui vit l’éruption de Vésuve et la destruction des quatre cités. Le tout devait être lié avec les œuvres exposées dans cette salle, des vases et des objets d’art de l’époque romaine. Picot fait preuve d’une véhémence peu commune, tout en restant dans des limites raisonnables. Le tout est servi par une palette brillante, plus éclatante encore dans l’esquisse, notamment dans les rouges. Cette manière nouvelle chez Picot, moins classique, plus dramatique aussi, doit probablement être comprise comme un réaction aux innovations picturales des Romantiques qui agitent le monde pictural depuis l’exposition du Radeau de la Méduse de Géricault au Salon de 1819.
[1] Notre panneau de bois porte au revers une marque au feu Mée.R. (pour Musée Royal). Selon les services de la Conservation et le Service d’Etude et de Documentation du département des Peintures du musée du Louvre, que nous remercions pour leur aide, cette marque semble avoir été apposée sur des cadres et des panneaux de bois fournis au musée du Louvre dans les années 1820-1830. Elle est le fait du fabriquant qui a livré ces éléments au musée et ne signifie aucunement que les œuvres marquées de ce fer aient fait partie des collections du musée.
[2] N. Munich, « Les plafonds peints du Musée du Louvre : inventaire des documents d’archives », Archives de l’Art français, t. XXVI, 1984, p. 138-139.
[3] Etude pour la figure du Vésuve, pierre noire, mis au carreau, 29 x 23,5 cm (collection particulière, ancienne collection Jules Lenepveu) ; Etude de la tête de la figure allégorique de Stabies, huile sur toile, 59 x 49 cm (Semur-en-Auxois, musée municipal) ; Etude de la tête de la figure allégorique de Pompéi, huile sur toile, 64 x 53,5 cm (collection particulière, anciennement collection Ciechanowiecki à Londres, voir French Oil Sketches and the Academic Tradition. Selections from a Private Colletion on Loan to the University Art Museum of the University of New Mexico, Albuquerque, Charlotte-Palm Beach-Little Rock-Atlanta, 1994, n°97) ; Etude des figures allégoriques d’Herculanum et de Pompéi, huile sur papier marouflé sur toile, 69 x 84 cm (collection particulière, ancienne collection Jules Lenepveu).
[4] Huile sur toile marouflé sur panneau, 44,5 x 53 cm, (inv. 1984-23 (sous la direction de J. Foucart, Nouvelles acquisitions du département des peintures (1983-1986), Paris, musée du Louvre, 1987, p. 174-175).