Léopold Leprince
Paris, 1800 – Chartres, 1847
Châtaignier près Thorigné, 1826
Huile sur toile
53,8 x 46 cm
Titré, daté et signé au verso : Châtaignier près Thorigné dans la Sarthe / 1826 / Léopold Leprince / N°46
Provenance
Atelier de l’artiste
Vente de l’atelier, Paris, 19-20 avril 1847, n°46
Issu d’une famille d’artistes, Léopold Leprince est l’élève de son frère Xavier (1799-1826), artiste prometteur trop tôt disparu ; lui-même devient le maître de son frère cadet Gustave (1810-1837). A l’exception d’une Scène de barricades, témoignage de sa sympathie envers les idéaux révolutionnaires de 1830, Léopold semble s’être vite détourné de la peinture d’histoire et de la scène de genre pour se consacrer entièrement au paysage. Dès 1824, il visite la forêt de Fontainebleau, la Suisse et la Savoie, ainsi que l’Auvergne à une date indéterminée. C’est à partir de cette année que le peintre connaît un certain succès, en se distinguant par ses petits paysages champêtres, dans lesquels il révèle une réelle virtuosité technique et un sens évident du pittoresque. A partir de 1825, notre peintre quitte la capitale pour s’installer à Chartres, d’où il peut accéder à la Sarthe voisine, la Touraine et la Normandie. Il en rapporte des études à l’huile sur papier très abouties, dont la plupart sont encore conservées dans son atelier à sa mort en 1847. Beaucoup sont localisées, datées et accompagnées d’un numéro d’opus au verso qui montre le soin avec lequel l’artiste répertoriait ses œuvres.
Après 1825, tournant résolument le dos aux monts d’Auvergne et aux côtes de la Manche qui désormais attirent la plupart de ses confrères, Léopold Leprince s’est attaché à un village de la Sarthe, région plus vallonnée et riant que les environs immédiats de Chartres où il s’est installé. Situé à une centaine de kilomètres à l’ouest, Thorigné n’offre aucune curiosité naturelle, aucun point de vue spectaculaire. Et pourtant, parmi la quarantaine de vues de la Sarthe qui figurent dans la vente après décès de l’artiste, vingt-et-une lui sont consacrées.
C’est un beau jour d’été que Leprince a choisi pour peindre ce coin de campagne. Avec un naturel confondant, il traduit la vigueur de la végétation et capte la lumière papillotante du soleil. On retrouve ici l’incontestable virtuosité technique, la simplicité de l’agencement, l’attention portée aux effets de lumière et l’éclat des coloris qui font tout le charme des œuvres de Leopold Leprince. Dans la partie inférieure gauche, une silhouette assise rappelle la présence humaine dans cette nature féérique, tout en soulignant par sa petitesse la grandeur des arbres. Notre toile peut être rapprochée d’une œuvre conservée au musée du Louvre, Au Bas-Bréau à Chailly (Fontainebleau), située et datée au verso comme notre Châtaignier. Devant cette fraîche étude d’arbre, on pense à ces mots de Constable : « Mon art limité et particulier se trouve au pied de chaque haie et dans chaque chemin de campagne, là où, par conséquent, personne ne pense qu’il vaut la peine de l’aller ramasser »[1]. Au moment à Leprince peint ce Châtaignier, il vient de participer à ce fameux Salon de 1824 où l’exposition des tableaux de Constable a fait tant de bruit dans les milieux artistiques parisiens. Leprince n’a pu rester insensible à cette leçon dont on trouve ici, sur un mode mineur mais avec une sincérité évidente, l’écho.
[1] C.-R. Leslie, Memoirs of the life of John Constable, Londres, 1843, traduction française de Léon Balzagette (Paris, 1905), édition révisée et préfacée par Pierre Wat, p. 180.