Leonardo Coccorante
Naples, 1680 – 1750
Le Martyre de saint Janvier livré aux bêtes dans l’amphithéâtre de Pouzzoles, vers 1730-1740
Huile sur toile
69 x 74 cm
Leonado Coccorante se forme auprès d’Angelo Maria Costa, peintre de Palerme documenté de 1696 à 172l à Naples où il s’illustre dans la veduta à la manière de Viviano Codazzi. La fresque illusionniste peinte pour la pharmacie de l’ancien couvent de l’église Santa Maria della Stella à Naples, datée de 1707, témoigne des débuts artistiques de Coccorante. L’artiste consacre l’essentiel de sa carrière aux caprices architecturaux, genre très en vogue tout au long du XVIIIe siècle. Il y développe une vision lyrique qui contraste avec le style aux tendances classicisantes de l’école romaine dont les principaux représentants étaient alors Andrea Locatelli et Giovanni Paolo Pannini. Parmi ses quelques commandes connues doit être mentionné le cycle d’architecture et de paysages réalisé entre 1739 et 1741 comme dessus-de-porte pour l’appartement de la reine au Palais royal de Naples, à l'occasion du mariage de Marie-Amélie de Saxe avec Charles de Bourbon. Son utilisation emphatique du clair-obscur, sa palette extravagante faite de roses et de bleus-gris mêlés aux tons de terre, la précision extrême de son pinceau imposent une facture très personnelle et un style reconnaissable entre tous. Selon Bernardo De Dominici, premier biographe de l’artiste dans ses Vite de’ pittori, scultori, ed architetti napoletani (1742), Coccorante était sollicité par des amateurs non seulement dans le royaume de Naples, mais aussi en France, en Angleterre et en Espagne.
Contrairement à de nombreuses œuvres de l’artiste, qui ne comportent pas de sujet, le tableau présenté ici illustre le martyre de saint Janvier, martyrisé en 305 à Pouzzoles. Évêque de Bénévent depuis 302, Janvier est condamné à mort trois ans plus tard, dans le cadre des persécutions contre les chrétiens ordonnées par Dioclétien et reprises par Timothée. D’abord placé dans un bûcher dont il sort indemne, le saint est ensuite fouetté jusqu’au sang puis mené à l’amphithéâtre de Pouzzoles avec ses six compagnons pour être livré en pâture aux fauves. Mais les lions, tigres et hyènes, bien qu’affamés, se couchèrent à ses pieds. Saint Janvier sera finalement décapité. Ses reliques, dont sa tête et son sang, se trouvent conservés dans la cathédrale de Naples et font l’objet d’une grande vénération.
La scène se situe dans les ruines de l’amphithéâtre de Pouzzoles, grandiose structure construite au 1er siècle après Jésus-Christ. L’artiste s’est peut-être rendu sur place car il a parfaitement rendu l’état de la ruine au XVIIe siècle avec ses galeries souterraines majestueuses. L’architecture s’illumine des rayons d’un soleil d’été : la forte lumière dessine d’immenses ombres portées, anime de puissants contre-jour, aiguise les lames coupantes des lignes architecturales, miniaturise les moindres effets de texture sur les pierres qui s’effritent et les feuillages qui colonisent les ruines. La pierre ocre se teinte par endroits de taches orangées, roses, bleu-nuit ou vertes. Cette palette extravagante, signature de l’artiste, contribue à l’atmosphère fantastique de l’œuvre. On retrouve cette architecture dans une autre œuvre de Coccorante, mais sans aucune figure, une toile conservée au Museo del Pio Monte della Misericordia à Naples[1]. Selon De Dominici, l’artiste faisait parfois appel à d’autres peintres pour réaliser les figures. Il est ainsi possible que les figures du saint, de ses six compagnons et des fauves aient été réalisées par Giovanni Marziale ou Giuseppe Tomajoli, deux de ses collaborateurs réguliers selon les sources. Notre tableau, avec ses lueurs étranges, ses ruines d’une présence écrasante et ses minuscules figures est ainsi parfaitement illustratif de l’art de Coccorante.
[1] Huile sur toile, 100 x 75 cm; G. Sestieri, Capriccio architettonico in Italia XVII e XVIII secolo, Rome, 2015, vol 1, fig. 26b, p. 248 & 249.