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Claude Deruet

Nancy, 1588 – 1660

 

Femme de qualité en costume de Diane chasseresse, vers 1630-1640

 

Huile sur toile

54 x 68 cm

 

Provenance

Versailles, étude Jean-Paul Chapelle, 12 novembre 1967, n°120

 

 

Fils d’un horloger au service de la cour ducale de Lorraine, Claude Deruet naît à Nancy vers 1588. Il se forme auprès de Jacques de Bellange, peintre de la cour de Lorraine entre 1605 et 1609, avant de partir pour l’Italie en 1613. Là, il va travailler avec Giuseppe Cesari d’Arpino et Agostino Tassi au décor de la villa Lante à Bagnaia près de Viterbe. Ses travaux retiennent l’attention de l’entourage du pape Paul V et, en 1618, il obtient la croix de chevalier du Christ, distinction exceptionnelle pour un peintre, surtout si jeune. Deux ans plus tard, il est de retour à Nancy. D’emblée, Deruet s’impose comme le successeur de Bellange, mort en 1610. Deruet va alors diriger un atelier conséquent dont la production est variée, adaptée à sa large clientèle : décors éphémères, portraits, scènes allégoriques ou mythologiques, œuvres religieuses et natures mortes. Il travaille notamment pour le duc de Lorraine Henri II et la famille ducale avec les nancéens Jean Le Clerc et Jacques Callot puis, à partir de 1633, date de la reddition de Nancy, s’assure la protection du roi de France Louis XIII, dont il devient un familier. Le cardinal de Richelieu lui commande également, vers 1641-1642, les Quatre Éléments, pour orner son château dans le Poitou (Orléans, musée des Beaux-Arts). Considéré comme l'un des meilleurs pinceaux qu’ait produits la Lorraine au XVII siècle, le nom de Claude Deruet tombe pourtant injustement dans l’oubli durant plus de deux siècles avant d’être remis à l'honneur au cours des XIXe et XXe siècles.

 

Nous savons par l’inventaire après-décès de Deruet que le peintre a réalisé à plusieurs reprises des tableaux comportant la figure de Diane. Sont ainsi cités « une Diane vestue de bleu avec le cor de chasse en main » - que l’on pense pouvoir reconnaître dans le tableau aujourd’hui conservé au musée Lorrain de Nancy - , « Autre Diane vêtue de rouge avec un Cupidon en l’air, sonnant du cor, achevée aussi bien » ou encore « Autre Diane avec un grand cerf près d’elle et habillée de vert et couleur de rose » - probablement le tableau du château de Versailles (Marie de Rohan-Montbazon, duchesse de Luynes puis de Chevreuse). Ce dernier tableau est particulièrement important puisqu’il est signé, daté 1627 et porte le nom du modèle. Il pourrait donc impliquer que ces tableaux de dame de qualité en Diane pourraient être de véritables portraits et datables des années 1630-1640[1]. Toujours dans l’inventaire après-décès, parmi les tableaux de deux pieds de longueur et d’un pied et demi de hauteur (soit environ 48 x 64 cm) est cité « Une Diane à demy couchée et se reposant sous un grand rideau rouge tendu au-dessus de sa teste »[2]. Cette description correspond à notre tableau, y compris dans les dimensions. Il n’est cependant pas certain que notre œuvre soit celle de l’inventaire car l’artiste a souvent fait plusieurs versions de ses inventions.

 

A demi étendue sur un lit de brocart rouge, le bras posé sur des coussins gris, une jeune femme pose en Diane : la tête ceinte d’un croissant de lune, tenant de sa main levée un précieux cor de chasse aux embouts d’or ; à ses côtés, son arc et son carquois. L’esprit du règne de Louis XIII apparaît ici sous les traits d’une femme découvrant son pouvoir et les attraits de la civilité. Après les guerres qui déchirèrent la France jusqu’à la fin du XVIe siècle, les premières années du grand siècle virent l’aristocratie retrouver le goût des belles manières et de la séduction, mélange souvent étonnant de brutalité et de préciosité. C’est un peu ce que condense ce portrait, entre la finesse des étoffes et des couleurs, l’acidité des contrastes, l’archaïsme de la pose et le parc où le vieux plaisir de la chasse est rappelé par une suivante de la déesse tient une lance et un cerf. Claude Deruet, malgré le voyage qu’il fait en Italie en 1613, est un artiste peu influencé par les courants internationaux et qui gardera toujours cette fraîcheur dont nous ressentons tout le charme dans cette œuvre.


[1] Albert Jacquot, « Notes sur Claude Deruet : peintre et graveur lorrain, 1588-1660 », Réunion des Société des Beaux-arts des départements, XVIII, 1894, p. 763-943.

[2] Ibid., chapitre XV, p. 836.



 
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