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Charles Meynier

Paris, 1763 – 1832

 

Le Philosophe Bias rachetant les esclaves, vers 1825

 

Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun et rehauts de gouache blanche

410 x 630 mm

Annoté en bas à droite : L. David

 

Provenance

Atelier de l’artiste

Vente de l’atelier, Paris, 26 novembre-4 décembre 1832, partie du n°35

Peut-être collection du graveur Pierre-Alexandre Tardieu

Vente de sa collection, Paris, 11 novembre 1844, n°7 

 

Oeuvre en rapport

Dessin préparatoire pour un tableau perdu, connu par une esquisse et des dessins préparatoires

 

Bibliographie

I. Mayer-Michalon, « Charles Meynier (1763-1832), supplément au catalogue raisonné. Seconde partie », Les Cahiers d’histoire de l’art, n°17, 2020, n°33, p. 118-119

 

 

Élève de François-André Vincent, proche de David, Gérard et Gros, Charles Meynier est un des plus importants protagonistes de la peinture française, des années révolutionnaires au retour des Bourbons. Remportant le Prix de Rome en 1789, la même année que Girodet, Meynier ne peut cependant terminer le traditionnel séjour de cinq ans en Italie suite aux évènements révolutionnaires. En 1793, de retour à Paris, sa carrière s’accélère ; lors d’une compétition artistique, tenue sous les auspices du Comité de Salut Public et ayant pour objet une œuvre inspirée de la Révolution, il gagne, avec sa France encourageant la Science et les Arts, un prix et l’attention du public. L’année 1795 marque ses débuts au Salon où il expose jusqu’en 1827 des épisodes d’histoire classique d’abord, des scènes dédiées à la gloire napoléonienne ensuite. Meynier peint également de nombreux portraits et sujets religieux. Considéré comme l’un des principaux décorateurs de l’époque néo-classique, il fournit en 1806, à la demande de Vivant-Denon, les modèles des reliefs sculptés de l’arc de triomphe du Carroussel, dessins aujourd’hui conservés au musée du Louvre. Au sommet de sa carrière sous la Restauration, Meynier est comblé de commandes prestigieuses. On lui confie notamment les plafonds de quatre salles du Louvre (1819-1827), celui du Grand Salon des Tuileries (1829), comme la décoration du grand hall de la Bourse qu’il réalise en 1826 en collaboration avec Alexandre-Abel de Pujol.

 

Sujet fort rare dans l’iconographie classique, Le Philosophe Bias rachetant des esclaves est tiré de Diogène Laerce. Bias, philosophe célèbre de l’Antiquité, nait dans l’opulence, mais fait le plus noble usage de sa richesse. Des filles de la Messénie, ayant été prises par des pirates, sont rachetées par ce grand homme. Il garde près de lui, pour les élever dans l’amour de la Vertu, celles qui sont orphelines, et renvoie les autres auprès de leurs parents après les avoir dotées. Pour antique qu’il soit, le sujet nous ramène à un thème chrétien. En effet, tout au long du XVIIIe siècle, l’une des principales fonctions des chevaliers de l’ordre de Malte a été de parcourir les côtes d’Afrique pour y racheter sur les marchés d’esclaves les chrétiens faits prisonniers. Par ailleurs, l’amiral Sydney Smith, ancien adversaire de Bonaparte à Saint-Jean-d’Acre, fonde à Paris dès le début de la Restauration la société des anti-pirates, devenue ensuite la société des chevaliers libérateurs des esclaves blancs en Afrique, destinée à mettre un terme à l’esclavage des victimes de la piraterie dans les états barbaresques. Chateaubriand est l’un de ses membres et Meynier ne peut l’ignorer.

 

Notre dessin constitue une étude préparatoire au Bias rachetant les esclaves, un tableau que la mort du peintre laisse inachevé, où la composition n’était que dessinée sur la toile, à l’exception du centre, unique partie peinte. Un tableau dont le souvenir se maintient par un fragment, aujourd’hui coupé en deux morceaux (collection particulière) et une esquisse (collection particulière, fig. 1). Pour cette composition, Meynier exécute plusieurs études préparatoires, mentionnés dans le catalogue de la vente après décès de l’artiste sous le numéro 35 : « Trois forts beaux dessins à la sépia, rehaussés de blanc ; pensées du tableau que faisait M. Meynier quand la mort l’a surpris. Ces compositions sont d’un style élevé, et les figures d’une grande pureté de dessin. » Notre dessin est l’un de ces trois dessins.

 

Notre feuille est donc une étude préparatoire, élaborant tout à la fois une version intermédiaire et décisive. Intermédiaire, dans la mesure où la composition finale la remanie et s’en écarte. Mais décisive parce que, si le lieu décrit dans la version définitive devient moins minéral et plus encombré de figures, l’invention des principaux personnages, dès notre dessin, se trouve parfaitement réalisée. Dans chacun des dessins on voit ces mêmes groupes de la mère recueillant dans ses bras son enfant presque évanouie, des retrouvailles du père et de la fille, et des pirates assis comptant leurs gains. D’une version à l’autre, peut-être en raison de l’inflation relative du nombre des figures, s’observe une moindre attention portée au rendu des sentiments, une moindre qualité aussi dans le traitement des visages.

 

Sur notre dessin, au centre de la composition, au milieu d’une esplanade formant promontoire face à la mer, face aux navires d’où viennent de débarquer les prisonnières, se dresse le corps du philosophe, une bourse de pièces à la main. Par sa pose comme par sa position au sein des groupes de figures, Bias départage les protagonistes et éclaire l’histoire. Les bons sont à sa droite, sur l’axe de son regard, il s’agit des parents retrouvant leurs filles perdues. Les mauvais sont à sa gauche et presque ignorés de lui, des pirates comptant les rançons à peine versées. Au second plan, l’on observe d’autres jeunes filles, pour le moment, toujours captives.

Nous remercions Madame Isabelle Meyer Michalon, spécialiste de l’artiste, qui nous a aimablement confirmé l’attribution de ce dessin et nous a fourni des éléments précieux pour la rédaction de cette notice.



 
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