Pompeo Batoni
Lucques, 1708 – Rome, 1787
Étude d’homme tenant un bâton, reprise de la tête et draperie, 1759
Pierre noire sur papier préparé gris
410 x 260 mm
Provenance
Charles Férault (Lugt 2793a)
Œuvre en rapport
Dessin préparatoire pour Le Martyre de sainte Lucie conservé à la Real Accademia di San Fernando à Madrid
Fils d’un orfèvre lucquois réputé, Batoni montre très jeune des dispositions pour le dessin et la peinture qui l’opposèrent à son père, désireux de le voir embrasser sa profession. Se rendant à Rome en 1727, il étudie quelques temps auprès d’Agostino Masucci puis de Francesco Fernandi, dit Imperiali, mais copie surtout assidûment les statues antiques et Raphaël. Maîtrisant parfaitement le classicisme romain du début du XVIIIe siècle, qu’il poussa parfois jusqu’au purisme dans une méditation approfondie des maîtres des XVIe et XVIIe siècles, Batoni reçoit rapidement de nombreuses commandes importantes pour des églises romaines (La Vierge à l’Enfant avec quatre saints, Rome, San Gregorio al Celio). Cependant, après l’échec de la réception de sa grande Chute de Simon le magicien (1746-1755, Rome, Sainte-Marie-des-Anges), initialement destinée à la basilique Saint-Pierre, Batoni traite plus volontiers des thèmes allégoriques (Le Temps ordonnant à la Vieillesse de détruire toute beauté, Londres, National Gallery) et mythologiques (Hercule à la croisée des chemins, Turin, Galleria Sabauda). A partir du début des années 1750, Batoni se consacre essentiellement au portrait dans lequel il obtient rapidement une réputation internationale, donnant les effigies de plusieurs papes, de souverains européens (Joseph II et son frère Léopold Ier, 1769, Vienne, Kunsthistorisches Museum) mais surtout de voyageurs étrangers, en particulier britannique, de passage à Rome pour leur Grand Tour. S’il était considéré à sa mort comme le peintre le plus célèbre de Rome, Batoni devait être assez rapidement négligé et l’importance historique de son œuvre n’a été réévaluée que depuis peu.
En 1759, Batoni réalise Le Martyre de sainte Lucie (Madrid, Real Academia de Bellas Artes de San Fernando) (fig.1)[1], probablement destiné au retable d’une église espagnole, bien que son commanditaire ainsi que sa destination nous soient inconnus[2]. Selon la tradition chrétienne, rapportée notamment par Jacques de Voragine dans la Légende dorée, Lucie, originaire de Syracuse, choisit de consacrer sa virginité à Dieu ce qui fâche l’homme auquel elle a été promise. Le fiancé éconduit la dénonce alors comme chrétienne au consul Pascasius qui la condamne à être envoyée dans un lupanar pour y être réduite à la débauche. Cependant, une intervention divine contrarie cet ordre : le Saint-Esprit pétrifie le corps de Lucie et le rend intransportable. Victime des dernières persécutions de Dioclétien en 304 après J.-C., elle endure diverses tortures, notamment le bûché, avant d’être mortellement touchée au cou par une épée. C’est au Moyen-Âge que naît la tradition qui veut qu’on lui ait arraché les yeux. Comme c’est le cas dans l’œuvre de Batoni, elle est régulièrement représentée portant ses yeux sur un plateau.
Dessin préparatoire à la figure du bourreau à gauche du tableau conservé à la Real Accademia di San Fernando de Madrid, notre Étude d’homme tenant un bâton témoigne de l’importance cruciale qu’occupe la pratique du dessin dans l’activité artistique de Batoni. Artiste consciencieux pour qui le dessin joue un rôle déterminant dans la préparation de ses œuvres, Batoni réalise, pour chacun de ses tableaux, nombre de dessins préparatoires allant de la composition générale rapidement esquissée aux études rigoureuses de figures et de détails comme c’est le cas pour notre étude et pour un autre dessin préparatoire pour ce même sujet, Étude d’une femme effrayée pour le Martyre de Sainte Lucie (pierre noire et craie blanche sur papier préparé gris-beige, Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, inv. D. 3065)[3], ce dernier reprenant la figure de femme en bas à droite. Ce qui intéresse ici Batoni dans la figure du bourreau est l’étude de la morphologie du modèle et l’expression de la tension du corps permettant de brandir le bâton qui attise le feu. Notre étude est typique des études faites dans l’atelier de l’artiste, d’après de jeunes modèles, qu’il vieillit ensuite, comme en témoigne le détail de la tête. Quant à elle, l’étude de la draperie témoigne de la grande technicité de l’artiste.
[1] A. Clark, Pompeo Batoni. A Complete Catalogue of his Works, éd. Edgar Peters Bowron, New York, 1985, p. 276-277, n°221, ill. 204.
[2] A. Clark, op. cit., New York, 1985, p. 276.
[3] A. Clark, op.cit., New York, 1985, p. 380, n°D54, ill. 203.