Arthur Guillot
Lyon, 1798 – Paris, 1871
Friedrich von Schiller, 1841
Terre cuite
Hauteur 40 cm, largeur 11,5 cm, profondeur 12 cm
Signé et daté en bas à droite : Guillot / 1841
Inscrit sur la feuille de papier : Guerre de Trente ans
et sur la terrasse : Schiller / a madame / la Baronne de Carlowitz
Provenance
Baronne Aloïse Christine de Carlowitz (Fiume, 1798 – Paris, 1863)
Né à Lyon en 1798, Arthur Guillot se forme auprès de Joseph Chinard, dont il sculptera le buste en 1834 (marbre, musée des Beaux-Arts de Lyon). Il quitte ensuite sa ville natale pour Paris, où il devient le protégé de Jean-Baptiste Dugas-Montbel, helléniste principalement connu pour ses traductions de l’Iliade et de l’Odyssée d’Homère. À la mort de ce dernier en 1834, Guillot passe sous la protection de Joseph-Paulin Madier de Montjau, député de l’Aude puis de l’Ardèche. Exposant au Salon à partir de 1831, il reçoit de nombreuses commandes de l’État pour des bustes d’hommes célèbres - Érasme, Vauban, Benjamin Constant, pour n’en citer que quelques-uns. En 1841, il réalise pour l’église de la Madeleine une Sainte-Jeanne-de-Valois placée sous le péristyle. Arthur Guillot se fait également connaître comme critique d’art : il commente l’actualité dans la Revue indépendante et signe en 1839 une notice biographique sur son maître Chinard dans L’Artiste ; il intervient aussi comme homme de lettres et d’histoire, publiant notamment en 1849 un avant-propos pour la Collection complète des opinions de Robespierre et des discours par lui prononcés à l’Assemblée constituante, à la société des amis de la Convention, et à la Convention nationale.
Le choix de représenter Friedrich von Schiller (1759–1805) n’apparaît pas incongru pour cet artiste, à la fois homme de lettres et sculpteur. Né à Marbach am Neckar, dans le duché de Wurtemberg, Friedrich von Schiller était d’abord destiné à devenir pasteur avant d’embrasser la vocation familiale et de devenir médecin militaire. Lors de ses études à l’école militaire dite Karlsschule, à Stuttgart, il découvre les écrits de Rousseau et de Goethe, qui exercent sur lui une influence décisive. C’est alors qu’il écrit sa première pièce, Les Brigands, emblématique du Sturm und Drang, mouvement littéraire allemand de la fin du XVIIIᵉ siècle. À la fois poète, dramaturge et théoricien de premier ordre, Schiller est, aux côtés de Goethe - dont il fut un proche - l’une des figures fondatrices du romantisme allemand, courant qui connaît un retentissement majeur dans la première moitié du XIXᵉ siècle. Passionné d’histoire à ses heures, Schiller publie en 1790 une Histoire de la guerre de Trente Ans.
Ce dernier ouvrage sera traduit en français par la baronne de Carlowitz (1797–1863) en 1841. Issue d’une des plus vénérables familles de Saxe, Aloïse Christine de Carlowitz (fig. 1)[1] montre rapidement des dispositions extraordinaires pour l’apprentissage des langues. Dès l’âge de cinq ans, elle maîtrise avec une facilité déconcertante l’anglais, l’italien, mais surtout le français, qui devient sa langue de prédilection. Jeune femme brillante, elle étudie l’histoire, les mathématiques, la philosophie - Aristote, Platon et Kant sont ses auteurs de prédilection - et la littérature. Installée en France au début des années 1820, elle publie son premier ouvrage, L’Absolution ou Jean le Parricide, en 1823. En 1835, la baronne de Carlowitz s’empare d’un sujet hautement politique avec Pair de France ou Le Divorce, véritable plaidoyer en faveur du divorce, alors interdit. Spécialiste de la littérature allemande, elle traduit presque l’ensemble de l’œuvre de Goethe, ainsi que des ouvrages de Schiller et de Herder, et la correspondance entre Goethe et Schiller.
Il est fort probable qu’Arthur Guillot, évoluant dans le même milieu littéraire que la baronne de Carlowitz, l’ait connue et ait fréquenté son salon parisien. En 1841, il réalise une paire de sculptures en terre cuite représentant Schiller et Friedrich Gottlieb Klopstock (1724–1803), autre auteur allemand du courant Sturm und Drang. Ces deux pièces ont probablement été offertes (ou commandées) à Mme de Carlowitz à l’occasion de la publication, en 1841 chez Charpentier, de ses traductions de l’Histoire de la guerre de Trente Ans (Schiller) et de La Messiade (Klopstock). Si le portrait de Klopstock est aujourd’hui perdu[2], nous présentons celui représentant Schiller. L’artiste présente un auteur jeune (Schiller a trente ans lorsqu’il publie son ouvrage sur la guerre de Trente Ans), vêtu d’un costume contemporain, la tête levée, cherchant l’inspiration et tenant de la main droite un rouleau de papier portant le titre de son ouvrage. Pour les traits du visage, Guillot s’est probablement inspiré du seul portrait sculpté contemporain de l’auteur, réalisé vers 1805 par Heinrich Dannecker (Stuttgart, Staatsgalerie, fig. 2), ou des nombreuses estampes le reproduisant. En dehors de ce portrait, les représentations sculptées de Schiller exécutées durant la première moitié du XIXᵉ siècle sont exceptionnellement rares ; on ne peut citer que le médaillon réalisé par David d’Angers vers 1840 (fig. 3). Les hommages sculptés à Schiller se multiplieront plus tard, à partir des célébrations du centenaire de sa naissance en 1859[3].
[1] J. Boilly, Mme la baronne Aloïse de Carlowitz, 1835-1836, lithographie, Paris, Musée Carnavalet, G.10296.
[2] Catalogue de sculptures anciennes, Paris, Hôtel Drouot, 21 juin 1899, n°20.
[3] Double portrait de Goethe et Schiller, réalisé par E. Rietschel en 1857 pour Weimar ; statue en pied par C. L. Richter, réalisée en 1859 pour New York (Central Park) ; statue en pied par J. Schilling, réalisée en 1876 pour Vienne ; statue en pied par E. Bilhauer-Rau, réalisée en 1876 pour Chicago ; etc.


